Scabieuses
La scabieuse, ajoutait-elle, donne une jolie fleur d’un bleu mourant, et à fond noir piqueté de blanc. On la croirait en deuil. Elle se plaît dans les lieux âpres et battus des vents.
Paul et Virginie, Bernardin de Saint-Pierre
Comment se vit le deuil ? Que signifie l’absence, la solitude ? Qu’est-ce qui se joue dans la relation aux autres ? Quel sens prend l’expression “continuer de vivre” ?
Scabieuses est un projet mêlant photographies et textes né de la rencontre avec des veuves vivant dans des communes rurales. Portraits, objets et phrases témoignent du processus de deuil, du manque, mais aussi de la manière de se relever et d’avancer.
Ce projet a donné lieu à une exposition à l’atelier argentique à Nantes, ainsi qu’à un livret auto-édité et à une publication hors série du magazine l’Inutile. Il a également été publié dans l’ouvrage photographique collectif de la maison d’édition Overlapse books.
Note
Il y a d’abord ce qui ne change pas : le nom de leur mari, toujours inscrit sur la boite aux lettres, son visage dans la cuisine. Il y a leurs cheveux courts, leur hésitation à me parler, à se replonger, exhumer. Il y a les appels qui entrecoupent notre conversation, pour leur vendre une isolation à un euro, un contrat internet. Il y a leur proposition de rester un peu plus longtemps pour parler de moi autour d’un café.
Il y a ce qui les rapprochent : des parcours de vie faits d’envies dissimulées, enfouies, de la réalité de ce qu’était grandir dans les campagnes des années 40. Il y a l’émotion qui monte quand on évoque la maladie, les jours d’après, l’absence.
Il y a aussi ce qui les distingue : lié à l’âge, au passé, aux proches, à la manière dont elles ont perdu leur compagnon, la manière de se relever, de se reconstruire, d’aller de l’avant.
Aujourd’hui, elles vivent et vieillissent doucement, au chaud dans leur maison, trop grandes pour elles mais qu’elles gardent quand même parce que c’est chez elle.
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Date:
19 juillet 2023